À l’occasion du 10×6 “Key Takeaways from MIPIM 2025”, Jean-Paul Scheuren, Porte-Parole de la Section des développeurs, a livré une analyse sans détour sur la situation du secteur immobilier, confronté à une transformation radicale de ses mécanismes traditionnels. Face à un marché grippé, il appelle à une véritable révolution dans les méthodes de financement et dans la manière d’envisager l’accès au logement.
Crise de la confiance, crise de la VEFA
Le modèle classique de la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA), basé sur des taux de prévente élevés pour sécuriser le lancement des projets, ne fonctionne plus.
« Ce qui était autrefois une règle de base est devenu une illusion », constate Jean-Paul Scheuren.
Le paradoxe est cruel : il faut vendre pour construire, mais il faut construire pour vendre. Résultat : le secteur est bloqué, et les développeurs peinent à enclencher la première pierre.
Un changement de paradigme du côté des clients
Ce blocage est aggravé par un changement profond de mentalité chez les acheteurs. Là où certains clients étaient autrefois prêts à s’engager tôt dans des projets, nombre d’entre eux veulent désormais acheter des biens déjà terminés, “clés en main”.
« Il faut inventer une nouvelle expérience d’achat, une user experience comme diraient nos amis anglais », explique Scheuren, soulignant la nécessité de repenser le parcours client dans l’immobilier pour mieux coller à ces attentes.
Le financement traditionnel à bout de souffle
Le tableau se noircit encore lorsque l’on observe la frilosité croissante des banques. Entre explosion des coûts de construction, incertitudes économiques, et nouvelles régulations, le secteur est jugé trop risqué.
« Le banquier a revu son analyse et considère désormais l’immobilier comme un secteur à risque », déplore Jean-Paul Scheuren.
Résultat : les conditions de financement se durcissent, les marges s’amenuisent, et les crédits sont octroyés au compte-gouttes. Jen-Paul Scheuren n’hésite pas à poser la question qui fâche : « Le banquier est-il toujours notre interlocuteur principal ? »
Vers des modèles hybrides : l’appel aux financements alternatifs
Face à ce mur, Jean-Paul Scheuren appelle à sortir du modèle unique. Il évoque une série de leviers à activer : prêts participatifs, prêts privés, obligations, private equity, fonds d’investissement, tokenisation, ou encore partenariats public-privé (PPP).
Il n’hésite pas à parler de révolution dans l’approche du financement immobilier :
« Ceux qui pensent que l’on reviendra à l’ancien modèle se trompent : le financement bancaire classique ne reviendra pas », martèle-t-il. Pour faire émerger des projets, il faudra aller chercher de nouveaux partenaires, imaginer de nouveaux modèles. Et repenser notre façon de bâtir. »
Créer de l’abonnement à l’immobilier ?
Et si demain, le lien entre développeur et acquéreur s’apparentait à un abonnement ? Une idée audacieuse esquissée par le président de la Chambre Immobilière, qui imagine un accompagnement prolongé du client dans son parcours immobilier, au-delà de l’acte d’achat unique. Un moyen de fidéliser, de financer, et peut-être même de repenser entièrement le rôle du promoteur.
L’abordabilité du logement : un enjeu de société
Au-delà des questions financières, c’est toute la notion d’abordabilité du logement qui est en jeu. L’accès à la propriété devient hors de portée pour une grande partie de la classe moyenne, et le marché locatif est sous tension.
« C’est une vraie crise de société », alerte Scheuren. « Il faut permettre à nouveau à une majorité de citoyens de se constituer un patrimoine», insiste-t-il, saluant les premières réformes du gouvernement tout en appelant à un effort conjoint entre secteur privé et public.
Cela suppose de construire plus vite, et construire moins cher. Réduire les délais, simplifier les procédures, alléger les contraintes réglementaires… Autant d’enjeux pour les années à venir.
Un avenir à reconstruire ensemble
Face à l’ampleur des défis, Jean-Paul Scheuren appelle à une mobilisation collective : développeurs, financeurs, administrations et secteur public doivent travailler main dans la main.
Il salue les premières initiatives du gouvernement, mais invite à aller plus loin, à remettre en cause les « couches réglementaires » qui alourdissent le secteur.
L’avenir du développement immobilier passera par des modèles nouveaux, plus agiles, plus collaboratifs.
« Ce sera un autre avenir, conclut-il, un avenir que nous allons devoir redévelopper ensemble. »