Le Luxembourg s’apprête à vivre une transformation majeure de son système d’imposition foncière. Avec le projet de loi 8082A, déposé en juillet 2025 à la Chambre des Députés, l’objectif du gouvernement est double : moderniser un impôt foncier vieux de plusieurs décennies et encourager la mobilisation des terrains constructibles. Pour les développeurs et promoteurs, cette réforme représente à la fois un défi et une opportunité. Décryptage.
Un impôt foncier profondément remanié
L’actuel impôt foncier, qui repose sur des valeurs cadastrales parfois obsolètes, sera remplacé par un système plus dynamique et mieux adapté à la réalité du marché. Le futur impôt foncier restera un impôt communal, mais son assiette sera désormais calculée sur des critères actualisés tels que :
- le potentiel constructible des terrains selon le PAG (Plan d’aménagement général),
- la localisation et la distance par rapport à Luxembourg-ville,
- la taille et la surface de la parcelle,
- la disponibilité des services publics et infrastructures.
L’idée est de rendre l’impôt plus équitable, en tenant compte du potentiel réel de valorisation d’un terrain plutôt que de données figées. En contrepartie, les communes verront leur pouvoir renforcé : elles pourront fixer leurs propres taux d’imposition, sans être contraintes par une fourchette nationale trop rigide. Une flexibilité qui, selon les territoires, pourrait avantager ou au contraire pénaliser certains projets.
L’IMOB : un nouvel impôt pour accélérer la construction
Au-delà de l’IFON, la grande nouveauté réside dans l’instauration d’un impôt à la mobilisation des terrains (IMOB). Celui-ci vise un objectif clair : lutter contre la rétention foncière et inciter les propriétaires à mettre leurs terrains constructibles sur le marché.
Concrètement, un propriétaire qui détient un terrain constructible mais non bâti sera soumis à cet impôt, sauf s’il agit dans un délai de cinq ans. Cette période de “grâce” laisse un temps raisonnable pour lancer la viabilisation et la construction, mais passé ce délai, la facture fiscale peut devenir lourde.
Des exceptions existent toutefois, notamment pour les familles qui souhaitent conserver un terrain pour y construire la résidence principale de leurs enfants. Le projet de loi prévoit même un élargissement de l’abattement, en portant l’âge limite de 25 à 35 ans pour ces situations.
Une mise en œuvre progressive
La réforme ne sera pas appliquée du jour au lendemain. Elle prévoit une période transitoire avec un test grandeur nature en 2029, avant une application généralisée à partir de 2030. Ce délai doit permettre aux communes de se préparer, notamment à travers la création de nouveaux registres :
- un registre national des logements et bâtiments non occupés,
- un registre des terrains constructibles non bâtis.
Ces bases de données seront essentielles pour identifier les biens concernés et garantir la transparence du calcul des impôts.
Les risques pour les développeurs
Pour les promoteurs, la réforme comporte plusieurs points d’attention :
- Une charge fiscale accrue : les terrains inactifs ou non développés deviendront coûteux à conserver. Les projets qui prennent du retard pourraient rapidement voir leur rentabilité diminuer.
- Des disparités communales : la liberté donnée aux communes de fixer leur taux pourrait créer des écarts significatifs. Certaines localités pourraient attirer les projets par une fiscalité plus douce, tandis que d’autres deviendraient moins compétitives.
- Un cadre administratif plus complexe : la bonne mise en place des registres et des outils digitaux sera déterminante. Toute lenteur ou imprécision pourrait se traduire par des incertitudes fiscales pour les porteurs de projets.
Des opportunités à saisir
À l’inverse, la réforme peut aussi être vue comme une chance pour les acteurs immobiliers proactifs :
- Anticiper pour mieux maîtriser : les cinq années de délai prévues pour l’IMOB offrent une fenêtre stratégique. Les promoteurs qui préparent et lancent leurs projets dans ce laps de temps éviteront une fiscalité punitive.
- Repositionner sa stratégie foncière : la refonte des critères d’évaluation permettra d’identifier plus clairement les terrains à fort potentiel. Cela peut orienter les choix d’acquisition et de développement vers les localisations les plus rentables à long terme.
- Dialoguer avec les communes : les développeurs auront tout intérêt à entretenir un dialogue constructif avec les communes, afin de comprendre leur politique fiscale et, éventuellement, de négocier un cadre favorable pour leurs projets.
- Valoriser la construction rapide et durable : la réforme favorise implicitement les acteurs capables de transformer rapidement le foncier en logements. En misant sur la qualité, la durabilité et la réactivité, les promoteurs pourront consolider leur avantage compétitif.
Quelles stratégies adopter dès maintenant ?
Face à cette réforme, plusieurs pistes d’action se dégagent pour les développeurs immobiliers :
- Auditer leur portefeuille foncier : identifier les terrains qui pourraient être soumis à l’IMOB et définir une stratégie claire pour chacun.
- Réévaluer les modèles financiers : intégrer le futur coût de l’impôt foncier dans les études de faisabilité et les business plans.
- Accélérer la mise en œuvre des projets : profiter de la période de transition pour sécuriser les permis et lancer les chantiers.
- Communiquer avec les investisseurs et acquéreurs : expliquer que la réforme incitera à une meilleure fluidité du marché foncier et, à terme, à davantage d’offres de logements.
Une réforme à suivre de près
La réforme de l’impôt foncier et la création de l’IMOB marquent un tournant pour le marché immobilier luxembourgeois. Si elle représente une contrainte supplémentaire pour les développeurs, elle constitue aussi un levier de dynamisation et de modernisation du secteur.
En définitive, ce remaniement invite les promoteurs à anticiper, à se montrer agiles et à renforcer leurs liens avec les communes. Les acteurs qui sauront adapter rapidement leur stratégie foncière et de développement tireront leur épingle du jeu.
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